samedi 30 juin 2012

Quand l’accessoire cherche à masquer l’essentiel
Faire des footballeurs français des boucs émissaires évite de s’attaquer aux racines du mal.

    D’accord, Nasri, Ménez, Ben Harfa et M’Vila ont manqué de respect, d’éducation voire d’intelligence mais arrêtons le lynchage verbal contre des joueurs encensés régulièrement et démesurément par la presse, et admirés aveuglément par des foules de supporters qui s’identifient aux champions.
    Même s’il condamne les propos injurieux et le comportement des « stars » (il ne s’agit pas de les excuser ou de les juger irresponsables), le Centre d’Analyse Critique du Sport pense qu’il est temps de s’interroger sur l’essentiel et non plus sur l’accessoire.
    Les moralistes de tout poil doivent répondre aux quelques questions suivantes :
   . Est-il plus immoral de dire « fils de pute » que de ne dire aucun mot en faveur de la libération de Ioula Imochenko et de tous les opposants politiques en Ukraine?
   . Pourquoi les médias, tous les laudateurs du sport (hommes politiques, intellectuels, journalistes, etc.) mais aussi les non-sportifs ne s’interrogent-ils avec autant de zèle sur le poids de l’argent, les salaires mirobolants, l’endettement des clubs, les paris truqués, la violence, le dopage, le racisme, le chauvinisme, le nationalisme du sport en général et du football en particulier ?
   . Peut-on encore faire croire que le sport est « hors sol », hors société alors qu’il est, à l’évidence, un phénomène majeur des temps modernes, un fait social total aux multiples implications politiques, économiques, idéologiques et culturelles ?
   . L’attitude des footballeurs (et de beaucoup d’autres sportifs) ne doit-elle pas nous obliger à réfléchir sur le mythe de l’idéal sportif, le mythe du sport éducatif, le mythe de l’âge d’or ? En sport, on parle trop souvent de ce qui n’existe pas (la beauté, la pureté, la loyauté, l’élégance, l’amitié, le respect, etc.) pour éviter de parler de ce qui existe.
    Où est l’esprit sportif dans cette compétition des égos (et non des égaux) ? Ne faut-il pas se rendre à l’évidence : le sport n’est ni « une éducation en soi », ni un « outil de citoyenneté ». Et puis, était-ce vraiment mieux avant ? A quelle date remonter pour trouver ce sport chevaleresque et désintéressé dont certains nous parlent aujourd’hui ? Que disait Cantona devenu icône à propos des « journaleux de L’Equipe » : « Je leur pisse à la raie ». Que disait le regretté Thierry Roland dans trop de ses commentaires : « M. Foot vous êtes un salaud ». Exemplaires les anciens ? Qui s’est insurgé, qui a sanctionné ?
   Les footballeurs n’ont pas le monopole de la vulgarité et de l’injure (1). Les dirigeants ne sont jamais en reste y compris le « sympathique loulou Nicollin » (les rondeurs et la gouaille rendent sympathique !) affirmant après France-Espagne : « On n’a pas assez de couilles et on ne les bouge pas comme il faut ». Quelle hauteur de vue !
   Les quatre ou cinq joueurs visés sont les boucs émissaires d’un monde (le sport) qui prêche des valeurs qu’il ne porte pas (aujourd’hui comme hier). Que disait Coubertin si souvent cité et si peu lu ? Qu’il ne faut pas confondre la culture physique et la culture morale, que l'homme sportif n’est pas acquis à la vertu. Dans un article de 1910, il écrivait : «Tout cela repose sur une confusion entre le caractère et la vertu. Les qualités du caractère ne relèvent pas de la morale ; elles ne sont pas du domaine de la conscience. Ces qualités, ce sont le courage, l'énergie, la volonté, la persévérance, l'endurance. De grands criminels et même de franches canailles les ont possédées. Elles seront aussi bien employées à faire le mal qu'à faire le bien”. Il ajoutait en 1914 : «Méfiez-vous de la presse. Qui pourrait lui reprocher d'avoir cent voix puisque tel est son destin ? Mais quand il s'agit de l'athlète, les cent voix éveillent en lui de redoutables orgueils qui corrompent son idéal et abaissent son caractère».
   En s’attaquant à quelques “petits merdeux” et “brebis galeuses”, beaucoup de monde cherche à se disculper et à innocenter l’institution. Les donneurs de leçons doivent, eux aussi, rendre des comptes.
Michel Caillat
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(1) Les basketteurs d’Orléans battus par Chalon-sur-Saône (81-83), en demi-finale de Pro A n'ont pas digéré certaines décisions arbitrales et l'ont fait savoir sur Twitter après la rencontre. "Cinq majeur de Chalon ce soir: Viator en 1, Mateus en 2, Difallah en 3, Schilb (la baltringue) en 4, et Aminu en 5. MVP du match M. Viator !", a ainsi pesté le meneur orléanais Yohann Sangaré (M. Viator était l’arbitre). "J'ai l'impression de m'être fait violer" a lâché l'intérieur Georgi Joseph. Si Nasri ou Ménez avaient dit ça…

lundi 25 juin 2012

Quelle est la différence entre Laurent Blanc et un professeur ?
 
. Laurent Blanc sélectionne les joueurs, est libre de ses choix et n’est pas tenu de retenir les “fortes têtes” qui manquent de respect aux Autres, à tous les Autres (partenaires, adversaires, supporters et encadrement).
. Le professeur ne sélectionne pas les élèves. Il doit, en permanence, faire avec les “pros de la provoc”, les irrespectueux et les insolents. Il n’a pas le choix ; dans ses classes, il fait d’abord de la garderie et, quand il le peut, il “élève” les consciences.
La presse (dans sa grande majorité) plaint Laurent Blanc.
La presse (dans sa grande majorité) condamne les enseignants qui se plaignent constamment de la dégradation de leurs conditions de travail.
Il est vrai que certaines “fortes têtes” de l’équipe de France gagnent en un mois (400 000 euros) ce qu’un enseignant moyen (2000 euros) gagne en 200 mois c’est-à-dire en 16 ans !
Les joueurs à l’égo démesuré l’ont parfaitement compris : à ce prix, ils méritent bien le respect. Et n’ont pas besoin d’être “éduqués”. M.C.

samedi 9 juin 2012

Quand les basketteurs d'Orléans défendent les "vraies valeurs" du sport
« J'ai l'impression de m'être fait violer ». Qui condamnera ces  propos d’un joueur de l’OLB ?

Voici ce qu’on découvre le samedi 9  juin sur le site Orange.fr

Orléans: Les joueurs se lâchent sur Twitter...
Battu sur le fil par Chalon-sur-Saône (81-83), vendredi soir au Colisée, Orléans n'ira pas à Bercy le 16 juin prochain pour disputer la finale de Pro A. Une défaite au goût amer pour les joueurs de l'OLB, qui n'ont pas digéré certaines décisions arbitrales et l'ont fait savoir sur Twitter après la rencontre. "Cinq majeur de Chalon ce soir: Viator en 1, Mateus en 2, Difallah en 3, Schilb (la baltringue) en 4, et Aminu en 5. MVP du match M. Viator !", a ainsi pesté le meneur orléanais Yohann Sangaré. "J'ai l'impression de m'être fait violer" a lâché l'intérieur Georgi Joseph. Le jour où les arbitres arrêteront de vouloir décider les fins de matches, le basket français en sortira grandi. [Je suis] tellement dégoûté [que] j'ai envie d'arrêter le basket. Super exemple pour les jeunes joueurs qui ont regardé le match."
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   Voici des déclarations qui prouvent que le sport est le respect de la règle, l’acceptation de la défaite, l’éthique, l’amitié et la fraternité !
   Ce n’est pas nouveau ; ce qui fait perdre très souvent en sport ce n’est pas l’adversaire, c’est l’arbitre. Précisons que M. Viator est considéré comme le meilleur arbitre du basket français
   La phrase de Georgi Joseph est honteuse ; parler de viol (pas de vol) pour un match perdu devrait faire réagir fortement ceux qui pensent que les mots ont un sens et qu’on ne peut pas les employer en n’importe quelle circonstance.
   Et qu’on ne nous dise pas que la déception peut tout expliquer et tout excuser.
   Le sport (et le discours sportif*) peut-il encore rester  longtemps un sujet tabou, consensuel et intouchable ?
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*Ce type de discours dit sportif est malheureusement un discours commun, habituel, répétitif, jamais condamné, rarement analysé sérieusement.